" Pour estimer l'autonomie d'un objet connecté, il faut étudier au cas par cas ses usages "

Enseignant-chercheur à l'Université de Poitiers, Frédéric Launay (*) a étudié la consommation énergétique des terminaux IoT en 4G et 5G. Pour le Comité de Travail 4 du think-tank GR-IoT (autonomie, éco-responsabilité, multiconnectivité des IoT), il a accepté de répondre à nos questions.

Q : L'autonomie des objets connectés est un sujet essentiel pour les utilisateurs, notamment en cellulaire, moyen de communication plus consommateur en énergie. Comment s'assurer que la batterie tienne le plus longtemps possible ?

Frédéric Launay. Certains acteurs affirment que la durée de vie de leurs devices est de dix ans.

En réalité, il est impossible de garantir l'autonomie, car elle est conditionnée à plusieurs paramètres, en fonction de l'usage et de la mise en œuvre de l'objet :

  • La latence : on doit se demander quelle est l'urgence du traitement de la donnée. Par exemple, si un chariot élévateur détecte un homme dans sa trajectoire, il ne peut pas se permettre d'attendre deux secondes avant de freiner.
  • L'importance de l'information : est-ce grave si l'on perd un paquet de données ? Si c'est le cas, il faut le fiabiliser en le retransmettant ou en ayant un acquittement. Par exemple, les poubelles connectées émettent toutes les heures leur niveau de remplissage. Si un paquet est perdu à une heure, ce n'est pas grave. Par contre, dans le cas d'un incendie, il faut que l'alarme sonne au plus vite, un acquittement de l'envoi des données est dans ce cas nécessaire.
  • La portée : si l'émetteur est à proximité, cela va moins consommer que s'il est à 20 kilomètres. En doublant la distance, la consommation est multipliée au moins par quatre. Une solution pour y remédier : la création de réseaux mesh.
  • La taille du paquet de données : plus il est conséquent, plus la durée de transmission sera plus longue donc plus consommatrice d'énergie. Il faut donc se demander s'il faut transmettre tout le paquet ou seulement une variation. Pour une température, est-il nécessaire de transmettre à chaque fois la température ou seulement un écart de température quand il se produit ? L'utilisation de l'edge computing se révèle ainsi pertinente.

Pour estimer l'autonomie de son objet, il est donc indispensable d'étudier au cas par cas les usages que l'on souhaite.

Q : Existe-t-il des mécanismes intervenant sur l'autonomie des objets connectés ?

Si l'on doit interroger de temps en temps un appareil, cela suppose qu'il reste allumé pour recevoir un message de demande d'information. Pour économiser de l'énergie, le plus simple est d'utiliser un objet qui n'a qu'à transmettre une information à des horaires fixes. Dans ce cas, il suffit de le paramétrer pour qu'il envoie ses données à telle intervalle de temps. S'il doit transmettre toutes les heures, cela ne sert à rien qu'il soit allumé entre temps. Ce mécanisme maintenant l'appareil dans un état non connecté jusqu'à son moment d'éveil est appelé PSM, le power saving mode.

Un autre mécanisme, le Wake-up Radio (WuR), consiste à ajouter au terminal un récepteur radio consommant peu de puissance et capable de récupérer un signal d'interaction, quand on veut contacter le terminal. Ainsi, au lieu d'avoir une antenne activée en permanence, seul un module peu consommateur fonctionne pour intercepter l'appel et réveiller l'objet.

Q : Vous avez étudié le cellulaire, les fréquences jouent-elles un rôle sur l'autonomie ?

Les fréquences les plus basses ont de meilleures portées et de pénétration. Ainsi, il est préférable de les choisir.

Les transmissions sur un canal radio libre, comme sur un réseau LoRaWAN, peuvent subir des perturbations car différents objets s'y connectent, puisque les fréquences libres appartiennent à tout le monde. Pour éviter ces perturbations et la perte de messages, les opérateurs cellulaires offrent des fréquences dédiées qu'ils achètent à prix d'or, auxquels ils ajoutent de la qualité de service. Ce sont donc eux qui ont la main sur les paramètres radio, notamment sur la fréquence de relevé de l'information. Les clients ne contrôlent pas le PSM/eDRX sur un réseau opérateur sans accord commercial (le problème peut se poser en roaming). Si l'objet connecté transmet ses données toutes les minutes, au lieu de toutes les dix minutes, il y aura un facteur dix en termes d'autonomie. En dehors de cette partie contractuelle, l'avantage du cellulaire, en particulier des réseaux NB-IoT, est la possibilité d'effectuer du roaming. Le déploiement de ces réseaux NB-IoT est en plein essor, les opérateurs espèrent atteindre dans le monde 20 milliards d'objets connectés sur les réseaux mobiles 4G/5G en 2025.

Propos recueillis et retranscrits par Célia Garcia-Montero

(*) Frédéric Launay est maître de conférences au laboratoire LIAS (Ecole Ingénieur ENSIP) et enseignant au département R&T de l’IUT de Poitiers. Il enseigne la téléphonie IP, les réseaux de mobiles 4G et 5G, le réseau IMS et la VoLTE.

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