Eco-responsabilité & IoT : les clés pour comprendre

Mettre en place un projet d'éco-responsabilité n'est pas une mince affaire dans l'IoT : les composants électroniques proviennent souvent de l'étranger, une boucle de recyclabilité est rarement mise en place pour d'autres matières premières que le plastique ;

de nombreux paramètres sont à prendre en compte - concernant l'usine de production, les transports, etc. Alors, malgré ces difficultés, comment s'y prendre ? Les entreprises qui s'y essaient, dans l'industrie ou la smart home, livrent leurs conseils.

Pour en savoir plus, retrouvez l'article sur le Journal du Net en cliquant sur ce lien.

Contact : Célia Garcia-Montero - mail : pg4@te-vbg.bet

Pourquoi l’éthique devrait-elle être un prérequis à tout projet couplant IoT et vivant ?

« A l’ère d’internet, et de ses objets connectés, la technologie est omnisciente, omnipotente et omniprésente... »

Exergue de Jacques Arnould, expert éthique au CNES

Vers de nouvelles catégories d’humains ?

Du point de vue de l’éthique, l’émergence de projets faisant appel à des objets connectés, implantés ou même seulement utilisés sur des animaux et des humains, pose question. S’il reste illusoire de répondre ici à toutes les interrogations suscitées par cette vague technologique, l’objectif de ces premiers travaux « Les IoT et le(s) vivant(s) » consiste dans un premier temps à poser des bases de réflexion, ou a minima à alerter sur les risques de dérives, en particulier, celui de faire émerger de nouvelles catégories d’êtres : l’humain augmenté (++), l’humain bricolé, l’humain de base… La même dérive est possible avec les animaux. L’animal « hyperproductif » - surveillé, tracé voire boosté grâce aux implants IoT - pourrait se banaliser. Si sur l’humain les implants ne sont pas déployés à large échelle et systématiquement, les objets connectés, smartphones et caméras en premier lieu, servent déjà de socle technologique à des pouvoirs totalitaires (la notation sociale chinoise est par exemple déjà réalité).

1984, version IoT ?

L’étape suivante, une banalisation des implants sur le vivant demeure aujourd’hui une hypothèse que l’on aimerait renvoyer à des scénarios d’anticipation. Mais qui trouve pourtant un écho très concret notamment avec le courant transhumaniste. Illustration emblématique, le projet Neurolink d’Elon Musk vise à implanter des puces dans le cerveau, des interfaces neuronales destinées dans un premier temps à des personnes atteintes d’handicaps et pouvant être généralisées par la suite en tant qu’interfaces cerveau / machine. En 2021, Elon Musk a annoncé que Neuralink espérait commencer les essais sur l'Homme dès 2022*. De ce que l’on en sait, les premiers résultats sont loin d’être probants. Le Physicians Committee for Responsible Medicine (PCRM), qui regroupe 17 000 médecins aux États-Unis, a porté plainte contre l’université de Californie, campus de Davis, pour maltraitance animale. Selon cette association, la plupart des macaques sur lesquels ont été implantés des implants pour Neuralink sont morts ou gravement malades. Au-delà de cette procédure, nombre de scientifiques questionnent l’aspect expérimental de la démarche. Moins médiatisés, d’autres acteurs travaillent sur les mêmes approches. La start-up française Axsoft promeut pour sa part, un implant « mou », censé être l’équivalent du « pacemaker » pour le cerveau. Là encore, les utilisations thérapeutiques, mieux prendre en charge les patients atteints d’Alzheimer …, sont mises en avant mais les enjeux commerciaux colossaux peuvent pousser à aller plus (trop ?) loin.

Hors domaine commercial, d’autres expérimentations sont en cours notamment avec le « soldat augmenté ». Si la doctrine du comité français éthique de la défense exclut pour l’instant tout recours à des techniques invasives, donc des implants, le sujet fait l’objet d’une attention particulière. Aux États-Unis, le Dr Joel Mozer** a déclaré qu’il était « impératif » que son pays surpasse ses adversaires en étant à la pointe de l' « augmentation humaine » dans la technologie militaire. Dans un registre plus prosaïque, des applications à base d’objets connectés et « embarqués » dans le vivant sont déjà réalité et intégrés dans le quotidien avec des objectifs certes moins ambitieux mais toutefois « à risque », on pense à la prise de contrôle par un hacker de pacemaker communiquant***.

Pourquoi cet emballement ?

Comme l’évoque le titre de l’ouvrage de Jacques Arnould, « Quand les hommes se prennent pour des dieux », une question de fond se pose : pourquoi cette fascination pour la technique ? Si celle-ci remonte à des millénaires, voire aux origines de l’humanité, elle prend aujourd’hui une telle place dans le quotidien qu’elle peut être perçue comme disposant des attributs du divin. A l’ère d’internet, et de ses objets, elle est omnisciente : Google et les réseaux sociaux ont réponse à tout ; elle est omnipotente : les machines battent les meilleurs joueurs d’échec ; elle est omniprésente : le réseau vous suit dans les montagnes, dans l’espace, dans l’intime…. Et elle est même supra-humaine :  elle « augmente » les sens avec la réalité augmentée entre autres… Dernière étape, certainement la plus sensible, déclinée sous la forme d’IoT couplés à des algorithmes d’Intelligence Artificielle -IA-, la technologie prend des décisions en lieu et place de l’humain. Une IA décide que vous n’aurez pas votre crédit, une autre (ou la même ?) décide de l’assiette d’un Boeing 737 Max….

Qu’apporterait l’augmentation de l’humain ?

Le glissement progressif d’une technologie d’abord outil, puis assistant de l’homme, et enfin le remplaçant dans ses décisions et ses actions se poursuit puis s’accélère. Et ce, sans que la question fondamentale de la motivation soit explicitement exprimée et débattue. Des réponses sont bien sûr proposées par ses prosélytes pour diverses raisons, pas exclusivement mercantiles mais plutôt liées à une forme de religiosité pour le progrès et pour sa forme concrète/palpable, la technologie. Selon la définition de l’Unesco, ce qui caractérise le vivant est d’être adaptatif et évolutif. L’IA basant ses analyses sur une partie du passé, réduite à une représentation numérique parcellaire du réel et embarquée dans la machine pourrait-elle s’adapter à ce vivant ? Peut-on imaginer des technologies auto-adaptatives ? Difficile à imaginer. Exemple parmi d’autres, le véhicule autonome promis par beaucoup comme imminent est renvoyé à un futur plus lointain. Rien ne remplace le cerveau humain pour s’adapter au contexte d’un centre-ville. Et même si les algorithmes devenaient intelligents cette approche ne répond pas à une préoccupation éthique fondamentale. Jacques Arnould pose la question : « Qu’apporterait l’« augmentation » d’un humain basée sur un objet à la Noosphère, en d’autres mots à la sphère et peut-être encore plus à la communauté de la pensée humaine ? ».

Prendre en compte l’éthique dans tout projet liant IoT et vivant

Ces questions sont complexes et ô combien actuelles, et il semble important et urgent de les prendre en compte. Comment ? Outre la réflexion et le débat, s’obliger à répondre à quelques questions avant de lancer tout projet IoT & vivant, notamment :

  • En évaluant et en explicitant au grand jour les motivations sous-jacentes de chaque projet
  • En appréhendant ce qu’il transforme comme activité humaine ou animale, notamment sur le plan de l’automatisation et en évaluant les impacts
  • En quantifiant et qualifiant les risques découlant d’une délégation des décisions à la machine (perte de libre arbitre…)
  • En décrivant le risque de dérive arbitraire sur le plan politique dans une démocratie

Ces préoccupations trouvent naturellement un écho au niveau juridique. Le parlement européen a adopté ce 4 mai 2022 un rapport sur l’Intelligence Artificielle. Ces aspects feront l’objet de travaux à suivre.

Patrick Brébion et Alexandre Diehl (co-animateurs du Comité de Travail 1 du GR-IoT)

" Pour estimer l'autonomie d'un objet connecté, il faut étudier au cas par cas ses usages "

Enseignant-chercheur à l'Université de Poitiers, Frédéric Launay (*) a étudié la consommation énergétique des terminaux IoT en 4G et 5G. Pour le Comité de Travail 4 du think-tank GR-IoT (autonomie, éco-responsabilité, multiconnectivité des IoT), il a accepté de répondre à nos questions.

Q : L'autonomie des objets connectés est un sujet essentiel pour les utilisateurs, notamment en cellulaire, moyen de communication plus consommateur en énergie. Comment s'assurer que la batterie tienne le plus longtemps possible ?

Frédéric Launay. Certains acteurs affirment que la durée de vie de leurs devices est de dix ans.

En réalité, il est impossible de garantir l'autonomie, car elle est conditionnée à plusieurs paramètres, en fonction de l'usage et de la mise en œuvre de l'objet :

  • La latence : on doit se demander quelle est l'urgence du traitement de la donnée. Par exemple, si un chariot élévateur détecte un homme dans sa trajectoire, il ne peut pas se permettre d'attendre deux secondes avant de freiner.
  • L'importance de l'information : est-ce grave si l'on perd un paquet de données ? Si c'est le cas, il faut le fiabiliser en le retransmettant ou en ayant un acquittement. Par exemple, les poubelles connectées émettent toutes les heures leur niveau de remplissage. Si un paquet est perdu à une heure, ce n'est pas grave. Par contre, dans le cas d'un incendie, il faut que l'alarme sonne au plus vite, un acquittement de l'envoi des données est dans ce cas nécessaire.
  • La portée : si l'émetteur est à proximité, cela va moins consommer que s'il est à 20 kilomètres. En doublant la distance, la consommation est multipliée au moins par quatre. Une solution pour y remédier : la création de réseaux mesh.
  • La taille du paquet de données : plus il est conséquent, plus la durée de transmission sera plus longue donc plus consommatrice d'énergie. Il faut donc se demander s'il faut transmettre tout le paquet ou seulement une variation. Pour une température, est-il nécessaire de transmettre à chaque fois la température ou seulement un écart de température quand il se produit ? L'utilisation de l'edge computing se révèle ainsi pertinente.

Pour estimer l'autonomie de son objet, il est donc indispensable d'étudier au cas par cas les usages que l'on souhaite.

Q : Existe-t-il des mécanismes intervenant sur l'autonomie des objets connectés ?

Si l'on doit interroger de temps en temps un appareil, cela suppose qu'il reste allumé pour recevoir un message de demande d'information. Pour économiser de l'énergie, le plus simple est d'utiliser un objet qui n'a qu'à transmettre une information à des horaires fixes. Dans ce cas, il suffit de le paramétrer pour qu'il envoie ses données à telle intervalle de temps. S'il doit transmettre toutes les heures, cela ne sert à rien qu'il soit allumé entre temps. Ce mécanisme maintenant l'appareil dans un état non connecté jusqu'à son moment d'éveil est appelé PSM, le power saving mode.

Un autre mécanisme, le Wake-up Radio (WuR), consiste à ajouter au terminal un récepteur radio consommant peu de puissance et capable de récupérer un signal d'interaction, quand on veut contacter le terminal. Ainsi, au lieu d'avoir une antenne activée en permanence, seul un module peu consommateur fonctionne pour intercepter l'appel et réveiller l'objet.

Q : Vous avez étudié le cellulaire, les fréquences jouent-elles un rôle sur l'autonomie ?

Les fréquences les plus basses ont de meilleures portées et de pénétration. Ainsi, il est préférable de les choisir.

Les transmissions sur un canal radio libre, comme sur un réseau LoRaWAN, peuvent subir des perturbations car différents objets s'y connectent, puisque les fréquences libres appartiennent à tout le monde. Pour éviter ces perturbations et la perte de messages, les opérateurs cellulaires offrent des fréquences dédiées qu'ils achètent à prix d'or, auxquels ils ajoutent de la qualité de service. Ce sont donc eux qui ont la main sur les paramètres radio, notamment sur la fréquence de relevé de l'information. Les clients ne contrôlent pas le PSM/eDRX sur un réseau opérateur sans accord commercial (le problème peut se poser en roaming). Si l'objet connecté transmet ses données toutes les minutes, au lieu de toutes les dix minutes, il y aura un facteur dix en termes d'autonomie. En dehors de cette partie contractuelle, l'avantage du cellulaire, en particulier des réseaux NB-IoT, est la possibilité d'effectuer du roaming. Le déploiement de ces réseaux NB-IoT est en plein essor, les opérateurs espèrent atteindre dans le monde 20 milliards d'objets connectés sur les réseaux mobiles 4G/5G en 2025.

Propos recueillis et retranscrits par Célia Garcia-Montero

(*) Frédéric Launay est maître de conférences au laboratoire LIAS (Ecole Ingénieur ENSIP) et enseignant au département R&T de l’IUT de Poitiers. Il enseigne la téléphonie IP, les réseaux de mobiles 4G et 5G, le réseau IMS et la VoLTE.

Naissance du Groupe de Réflexion IoT

"Quel monde connecté voulons-nous ? Et quelles seraient les bonnes pratiques pour éviter les écueils ? ’’ Au moment où la digitalisation est partout, où se créent des univers virtuels et où les objets connectés (IoT) s’inscrivent dans de nombreux cas d’usage et de territoires – les bâtiments, la ville, les domiciles, la santé, l’agriculture et l’élevage, les biens et appareils les plus courants mais aussi les véhicules, les équipements de contrôle, les sites industriels et les outils professionnels les plus sophistiqués – il est opportun de se poser ces questions !

Logo Groupe de Réflexion IoT (tm)

Avec les objets connectés, et les services inédits qu’ils peuvent apporter, on peut faire le (monde) meilleur ; mais on peut tout aussi bien faire le pire ! Puissants, rapides, « intelligents », multisensoriels, ultra-communicants, actifs, robustes, silencieux voire discrets, autonomes… à large échelle ces IoT commencent à « tramer » notre société ; ils contrôlent et mesurent, ils captent et alertent, ils « savent », « entendent » et « prévoient » ce qu’il s’y passe en temps réel et « prédisent » ce qu’il va s’y passer.

Ces objets, réseaux d’objets et services connectés peuvent aussi bien contribuer à la chaîne de valeur de nos entreprises et de notre société qu’à leur perte si une réflexion amont n’intègre pas leurs potentiels points faibles : citons la cybersécurité ; le traitement et la protection des données ; le manque de méthodologies éprouvées de conception et de production ; le retard dans les règlementations et les contrôles ; la primo-dépendance aux composants électroniques ; le grand défi de former, puis d’embaucher des compétences IoT à la fois larges et spécialisées, indispensables à faire exister et à exploiter avec maîtrise ces réseaux et objets connectés…

C’est bien en France et maintenant, alors que les objets connectés ont le vent en poupe et connaissent une très forte croissance dans tous les secteurs d’activités BtoB et BtoC, qu’il faut réfléchir, susciter, dialoguer voire conseiller avec neutralité et bon sens autour de leurs conception, mise en œuvre et exploitation dans une optique de respect éthique des usages, d’exigence sécuritaire, d’excellence des RH et d’éco-responsabilité. Ce Groupe de Réflexion sur les IoT s’en donne la mission.

Se renseigner plus avant, prendre contact : cliquez ici