CINQ STRATEGIES D'ECO-RESPONSABILITE DANS L'IoT

L'éco-responsabilité devient un critère-clé dans l'IoT. Mais adapter cette démarche aux objets connectés n'est pas une mince affaire. Cela demande d'évaluer un grand nombre de critères tout au long du cycle de vie de l'objet comme du système connectés et de modifier les processus en interne. Quelques entreprises IoT pionnières mettent donc l'éco-responsabilité au cœur de leur stratégie en 2023 pour s'assurer de faire un premier pas dans la bonne direction. Explications (par Célia Garcia-Montero - Le JDN)

En 2023, l'objectif de nombreuses entreprises françaises est de transformer leurs objets connectés, bourrés d'électroniques, en produits éco-responsables. C'est le cas par exemple de l'opérateur IoT Kerlink, avec son plan stratégique "Serve IoT 2025", ou de la société Arcure qui a défini des objectifs environnementaux pour sa caméra Blaxtair Origin, ou encore de l'intralogisticien Jungheinrich, qui s'est vu décerner le certificat de développement durable le plus élevé par l'agence de notation EcoVadis.

" L'ABS, un polymère thermoplastique, est le plastique le plus utilisé dans l'IoT car très résistant "

"Il y avait peu d'initiatives jusqu'à présent car les volumes étaient trop faibles pour que cela soit pris en compte, analyse Henri Bong, CEO de l'opérateur et fournisseur de services IoT UnaBiz. A présent que les projets IoT passent à l'échelle, et que le contexte y est favorable, on ne peut plus concevoir l'IoT sans prendre en compte cet aspect."

Mais les premières entreprises qui ont franchi le pas le reconnaissent toutes : la démarche n'est pas évidente et il y a une longue liste d'éléments à considérer. Gillo Malpart, président et cofondateur de Mavana, entreprise française spécialisée dans les stratégies bas carbone par l'IoT, a référencé une vingtaine d'indicateurs environnementaux, qu'il préconise de prendre en compte tout au long du cycle de vie des objets : "Dans la grande majorité des cas, 80% de l'impact environnemental d'un objet connecté réside dans la phase préalable à son utilisation. L'éco-conception devrait donc démarrer par le questionnement sur la nécessité même de fabriquer cet objet connecté. Une fois la pertinence de l'objet avérée, il convient de réfléchir à l'impact des composants (minéraux, métaux et plastiques notamment), mais aussi à celui des usines de production et démantèlement (consommation d'eau et d'énergie primaire, ainsi que les pollutions générées). Sans oublier, bien sûr, les impacts (principalement carbone) du transport, de l'utilisation et de la maintenance de cet objet." Face à cette tendance qui n'en est qu'à ses balbutiements, chacun avance progressivement ses pions de son côté. Un moyen, en s'alliant par la suite, de couvrir toute la chaîne."

" C'est le modèle économique qui permet de mettre en place des stratégies d'éco-responsabilité "

Le choix des composants étant essentiel dans une démarche d'éco-conception, la start-up vauclusienne de l'agritech Brad commence ses réflexions en soutenant les recherches sur les nouvelles générations de plastiques. "Nous sommes en discussions sur l'utilisation de plastiques biosourcés", indique Olivier Lépine, son CEO. Le plastique peut se révéler en effet à lui-seul une source de questionnements. "L'ABS, un polymère thermoplastique, est le plastique le plus utilisé dans l'IoT car il est très résistant et dispose de bonnes propriétés mécanique. Mais son recyclage est complexe. Parfois, le recycleur ne sait pas quel plastique est utilisé dans le produit, ce qui ne leur permet pas de le refondre", explique Arnaud Huvelin, fondateur de la start-up Déclique.

Toujours lié aux composants, c'est le sujet de leur traçabilité en vue de les recycler qu'a pris à bras le corps Linxens, fabricant dans le domaine des composants électroniques pour les marchés de la sécurité et de l'identification. L'entreprise est en discussion avec ses partenaires pour parvenir à les tracer. "Les fils d'or sur la carte électronique et une partie du cuivre peuvent être recyclés mais quid des résines et du silicium, dont la fabrication requiert beaucoup d'eau", interroge Cyril Proye, IoT marketing director chez Linxens. De même, l'opérateur et fournisseur de services IoT UnaBiz travaille avec des experts du recyclage sur le circuit imprimé et la batterie.

La durabilité, un des piliers de l'éco-responsabilité

Dans sa stratégie d'entreprise, Ogga a de son côté fait de la durabilité son atout phare. "L'éco-responsabilité est dans notre ADN, nous nous interdisons le jetable et concevons nos produits pour dix ans", soutient Stéphane Gagnat, son président, qui considère les indices de réparabilité peu stricts et en a donc fait le cœur de sa stratégie. La société française spécialisée dans les solutions de smart building rend tous les produits ouvrables, démontables, réparables et évolutifs avec des ports d'extension pour privilégier la réparation. Et ses clients sont incités à retourner les produits arrivés en fin de vie plutôt que de les jeter. Ogga a par ailleurs fait le choix d'utiliser le protocole de communication EnOcean pour éviter les piles, l'alimentation représentant un point noir dans l'impact des IoT. Et pour limiter l'impact du transport, Ogga privilégie le made in France.

Les usages à impact positif sont pour beaucoup une première étape avant d'engager la recyclabilité des solutions. C'est le cas de l'opérateur IoT Kerlink, qui a déployé en 2022 des usages de mesures des conditions environnementales par IoT dans des logiques RSE, avant de présenter en décembre dernier sa stratégie d'éco-responsabilité. "Nous créons des réseaux autoalimentés avec des capteurs dont l'empreinte carbone est la plus faible possible", explique le PDG William Gouesbet. Kerlink va continuer de favoriser l'edge computing pour diminuer les transmissions de données dans le cloud, ainsi que la blockchain, à travers un partenariat avec Kalima dont les premières intégrations doivent s'effectuer ce mois de janvier. La prochaine étape sera la création d'une équipe spécialisée et d'une offre commerciale en 2023 dédiée au recyclage.

De son côté, la start-up Accopilot a suivi le même cheminement. Editeur de logiciel IoT pour le matériel des voiries, Accopilot a lancé son offre il y a trois ans pour apporter des informations sur la consommation des équipements et le bilan carbone des projets. Elle s'est alliée dès le début de son activité au recycleur Maneko pour anticiper le retour de ses produits quand ils auront atteint leur fin de vie. Autre exemple avec l'intralogisticien Jungheinrich, pour qui l'éco-responsabilité est le moteur de sa "croissance durable". "L'IoT permet d'optimiser l'utilisation de nos chariots, et de les récupérer", se réjouit Elena Perennes-Longchamp, responsable nationale ventes SAV chez Jungheinrich, qui se fixe pour objectif d'atteindre 94% de réutilisation depuis l'inauguration de sa nouvelle ligne de reconditionnement.

Le retour des objets connectés, "le nerf de la guerre"

Cette approche souligne le lien entre "rentabilité et éco-responsabilité", estime Arnaud Huvelin, fondateur de la start-up Déclique. "C'est le modèle économique qui permet de mettre en place des stratégies d'éco-responsabilité. Si l'utilisateur est propriétaire de son objet connecté (comme c'est le cas en BtoC), il aura tendance à le jeter en fin de vie pour ne pas subir les contraintes de la recyclabilité. Et son fournisseur privilégiera une durée de vie courte pour revendre de nouveaux produits rapidement. A l'inverse, si le fournisseur loue via un abonnement un objet connecté, il aura intérêt à sa durabilité et le recyclage sera de sa responsabilité."

Célia Garcia-Montero (JDN), animatrice du Comité de Travail 4 - Eco-responsabilité. Lui écrire : pg4@te-vbg.bet

Ouverture de la 7ème édition des trophées IoT Awards et avènement d'une... 7ème récompense : le Green IoT Award du projet éco-responsable

Le tout nouveau trophée Green IoT Award (vue d'artiste) - tous droits réservés

Pour entamer sa septième édition, quoi de mieux que la création d'un 7ème trophée IoT Award ? Celui-ci vise à récompenser un projet vertueux " pensé " bilan carbone, durabilité, recyclabilité, durée de vie ! Un must, quoi.

Les projets IoT déploient souvent des dizaines de milliers d'objets connectés. La plupart du temps leurs durées de vie sont limitées à celle de leur batterie, limitées à leur conformité, à leur utilité, à leur état de l'art technologique, logiciel et cybersécuritaire. Bref leur obsolescence arrive vite. Aussi, que prévoit-on - et dès la conception - du cycle de vie, de la durée en exploitation, de la recyclabilité des comstituants et de celle de l'application, du bilan carbone du système connecté ?

C'est pour récompenser celles et ceux qui ont pris conscience de ces problématiques cruciales ; et qui font l'effort de trouver des solutions inédites que ce nouveau trophée voit le jour au sein de la famille des IoT Awards.

Hâte de recevoir les premières propositions de candidature, et de remettre ce Green IoT Award à la plus méritante d'entre elles. En partenariat avec Le JDN et le think-tank GR-IoT !

Notez les dates-clés de 2023 :

  • Ouverture des dépôts de candidature : 1er janvier 2023
  • Date de fin des dépôts de dossiers des candidatures : 15 mai 2023 (minuit)
  • Cérémonie officielle de remise des IoT Awards : 1er juin 2023

S'informer et/ou concourir : lien vers le site IoT Awards

VOUS FORMEZ AUX IoT & SYSTEMES CONNECTES ? ENTREZ VITE DANS NOTRE REPERTOIRE !

Ecoles, universités, institutions, académies, entreprises... Le think-tank GR-IoT souhaite répertorier dans une base unique en France vos formations initiales et/ou continues aux systèmes & objets connectés.

Objectif ? Donner libre accès de ces informations à toutes celles et tous ceux qui souhaitent "entrer" dans ce passionnant domaine professionnel.

Un premier répertoire existe, qui ne demande qu'à s'enrichir. A vous de jouer : il vous suffit de compléter le formulaire accessible par le lien ci-dessous. L'inscription des informations de base de votre formation est, cela va mieux en le disant, tout à fait gratuite. N'attendez pas pour figurer dans notre répertoire (mise à jour : toutes les deux semaines environ).

Ici, le lien vers le formulaire d'inscription

Animatrice & animateurs du think-tank GR-IoT vous souhaitent d'excellentes fêtes...

... et vous donnent rendez-vous pour une passionnante année 2023 autour des IoT & des systèmes connectés !

De nombreuses initiatives vont voir le jour, autour des sujets de prédilection du GR-IoT : éthique des usages et "legal", cybersécurité, formations et talents IoT, éco-responsabilité et ... bien d'autres surprises encore !

Les co-animateurs du think-tank Groupe de Réflexion IoT - GR-IoT

Quelles rémunérations en 2023 pour les talents IoT ?

Le Comité de travail 3 du GR-IoT a dévoilé ce 15 décembre des résultats intermédiaires de son étude originale en ligne " Talents IoT", réalisée par Media Dell'Arte en partenariat avec Télécom Paris Executive Education et Le JDN.

Pour la 1ère fois, un indicateur de " tension " de recrutement de compétences IoT à travers la pression sur les rémunérations a pu être montré. Mieux, les fourchettes des rémunérations - base Ile-de-France - des différentes catégories de talents IoT (directeurs, responsables, concepteurs/développeurs), et selon leur ancienneté, ont été dévoilées en exclusivité. Lors de cette eReunion du GR-IoT d'autres indicateurs (mix de compétences recherchées, structures de formation initiales et continues, stratégie de recrutement....) ont fait l'objet de discussions. Deux témoignages d'acteurs des IoT, recruteurs, ont concrètement illustré les besoins en compétences IoT pour l'année 2023.

A noter : l'étude originale "Talents IoT" est toujours en ligne. Vous pouvez donc la découvrir et y répondre (en 3mn30 chrono) en suivant ce lien.

Ci-dessous, un extrait des éléments communiqués (copyright GR-IoT/Media Dell'Arte).

Pour rejoindre et/ou contacter le Comité de Travail "Talents" : pg3@te-vbg.bet

Extrait étude "Talents IoT" - décembre 2022
Extrait étude "Talents IoT" - décembre 2022

Exclusif : la 3ème étude " Révélations IoT 360° " à télécharger ici !

La France, ses ingénieurs et ses grands industriels, ont une indéniable avance dans le domaine des objets connectés et dans celui des grandes applications à base de services et de réseaux d’IoT : l’industrie 4.0 et la maintenance prédictive, l’Asset Tracking indoor comme outdoor, la smart city, la santé connectée, les bâtiments et maisons intelligents, l’automobile connectée et/ou autonome, l’agriculture, etc…

Pourtant, jusqu’en 2020, il n’existait aucune étude visant à analyser et déterminer la dynamique ainsi que la typologie des projets IoT conduits dans l’Hexagone. Révélations IoT 360° – réalisée en partenariat avec le JDN (Journal du Net), le salon IoT World + MtoM et Silicon Labs – s’est précisément fixée cet objectif : fournir aux entreprises utilisatrices, comme aux acteurs technologiques des IoT et du MtoM, des éléments à jour sur la nature, les caractéristiques techniques et technologiques des projets, leur connectivité ainsi que de nombreuses et rares informations sur la donnée, l’IA, l’organisation projet, la gouvernance en exploitation ou encore sur leur cybersécurité et sécurité physique.

Téléchargez ici et gratuitement la présentation synthétique de la 3ème étude Révélations IoT 360° 2022 : cliquez sur ce lien

" Talents IoT " : répondez vite à notre enquête inédite sur les compétences et le recrutement des professionnels des objets et systèmes connectés !

On le constate partout : à la pénurie de composants électroniques se superpose une tension palpable en matière de disponibilité de compétences IoT. Parce que c'est son rôle, le think-tank GR-IoT s'empare le premier du sujet et, par son Comité de travail 3, pose les bases de ce que doivent être formations, compétences, fonctions et descriptions des postes définissant les talents IoT, d'aujourd'hui et de demain.

1ère action : établir un "état des lieux" des nombreux besoins des entreprises et caractériser leurs recherches de profils.

Contribuez à cette initiative : répondez vite à notre étude "Talents IoT 2022". C'est rapide (moins de 3 mn), sans engagement et confidentiel !

Cliquez sur ce lien (ou flashez le QR code ci-dessus)

merci, le Comité de Travail 3

Eco-responsabilité & IoT : les clés pour comprendre

Mettre en place un projet d'éco-responsabilité n'est pas une mince affaire dans l'IoT : les composants électroniques proviennent souvent de l'étranger, une boucle de recyclabilité est rarement mise en place pour d'autres matières premières que le plastique ;

de nombreux paramètres sont à prendre en compte - concernant l'usine de production, les transports, etc. Alors, malgré ces difficultés, comment s'y prendre ? Les entreprises qui s'y essaient, dans l'industrie ou la smart home, livrent leurs conseils.

Pour en savoir plus, retrouvez l'article sur le Journal du Net en cliquant sur ce lien.

Contact : Célia Garcia-Montero - mail : pg4@te-vbg.bet

Pourquoi l’éthique devrait-elle être un prérequis à tout projet couplant IoT et vivant ?

« A l’ère d’internet, et de ses objets connectés, la technologie est omnisciente, omnipotente et omniprésente... »

Exergue de Jacques Arnould, expert éthique au CNES

Vers de nouvelles catégories d’humains ?

Du point de vue de l’éthique, l’émergence de projets faisant appel à des objets connectés, implantés ou même seulement utilisés sur des animaux et des humains, pose question. S’il reste illusoire de répondre ici à toutes les interrogations suscitées par cette vague technologique, l’objectif de ces premiers travaux « Les IoT et le(s) vivant(s) » consiste dans un premier temps à poser des bases de réflexion, ou a minima à alerter sur les risques de dérives, en particulier, celui de faire émerger de nouvelles catégories d’êtres : l’humain augmenté (++), l’humain bricolé, l’humain de base… La même dérive est possible avec les animaux. L’animal « hyperproductif » - surveillé, tracé voire boosté grâce aux implants IoT - pourrait se banaliser. Si sur l’humain les implants ne sont pas déployés à large échelle et systématiquement, les objets connectés, smartphones et caméras en premier lieu, servent déjà de socle technologique à des pouvoirs totalitaires (la notation sociale chinoise est par exemple déjà réalité).

1984, version IoT ?

L’étape suivante, une banalisation des implants sur le vivant demeure aujourd’hui une hypothèse que l’on aimerait renvoyer à des scénarios d’anticipation. Mais qui trouve pourtant un écho très concret notamment avec le courant transhumaniste. Illustration emblématique, le projet Neurolink d’Elon Musk vise à implanter des puces dans le cerveau, des interfaces neuronales destinées dans un premier temps à des personnes atteintes d’handicaps et pouvant être généralisées par la suite en tant qu’interfaces cerveau / machine. En 2021, Elon Musk a annoncé que Neuralink espérait commencer les essais sur l'Homme dès 2022*. De ce que l’on en sait, les premiers résultats sont loin d’être probants. Le Physicians Committee for Responsible Medicine (PCRM), qui regroupe 17 000 médecins aux États-Unis, a porté plainte contre l’université de Californie, campus de Davis, pour maltraitance animale. Selon cette association, la plupart des macaques sur lesquels ont été implantés des implants pour Neuralink sont morts ou gravement malades. Au-delà de cette procédure, nombre de scientifiques questionnent l’aspect expérimental de la démarche. Moins médiatisés, d’autres acteurs travaillent sur les mêmes approches. La start-up française Axsoft promeut pour sa part, un implant « mou », censé être l’équivalent du « pacemaker » pour le cerveau. Là encore, les utilisations thérapeutiques, mieux prendre en charge les patients atteints d’Alzheimer …, sont mises en avant mais les enjeux commerciaux colossaux peuvent pousser à aller plus (trop ?) loin.

Hors domaine commercial, d’autres expérimentations sont en cours notamment avec le « soldat augmenté ». Si la doctrine du comité français éthique de la défense exclut pour l’instant tout recours à des techniques invasives, donc des implants, le sujet fait l’objet d’une attention particulière. Aux États-Unis, le Dr Joel Mozer** a déclaré qu’il était « impératif » que son pays surpasse ses adversaires en étant à la pointe de l' « augmentation humaine » dans la technologie militaire. Dans un registre plus prosaïque, des applications à base d’objets connectés et « embarqués » dans le vivant sont déjà réalité et intégrés dans le quotidien avec des objectifs certes moins ambitieux mais toutefois « à risque », on pense à la prise de contrôle par un hacker de pacemaker communiquant***.

Pourquoi cet emballement ?

Comme l’évoque le titre de l’ouvrage de Jacques Arnould, « Quand les hommes se prennent pour des dieux », une question de fond se pose : pourquoi cette fascination pour la technique ? Si celle-ci remonte à des millénaires, voire aux origines de l’humanité, elle prend aujourd’hui une telle place dans le quotidien qu’elle peut être perçue comme disposant des attributs du divin. A l’ère d’internet, et de ses objets, elle est omnisciente : Google et les réseaux sociaux ont réponse à tout ; elle est omnipotente : les machines battent les meilleurs joueurs d’échec ; elle est omniprésente : le réseau vous suit dans les montagnes, dans l’espace, dans l’intime…. Et elle est même supra-humaine :  elle « augmente » les sens avec la réalité augmentée entre autres… Dernière étape, certainement la plus sensible, déclinée sous la forme d’IoT couplés à des algorithmes d’Intelligence Artificielle -IA-, la technologie prend des décisions en lieu et place de l’humain. Une IA décide que vous n’aurez pas votre crédit, une autre (ou la même ?) décide de l’assiette d’un Boeing 737 Max….

Qu’apporterait l’augmentation de l’humain ?

Le glissement progressif d’une technologie d’abord outil, puis assistant de l’homme, et enfin le remplaçant dans ses décisions et ses actions se poursuit puis s’accélère. Et ce, sans que la question fondamentale de la motivation soit explicitement exprimée et débattue. Des réponses sont bien sûr proposées par ses prosélytes pour diverses raisons, pas exclusivement mercantiles mais plutôt liées à une forme de religiosité pour le progrès et pour sa forme concrète/palpable, la technologie. Selon la définition de l’Unesco, ce qui caractérise le vivant est d’être adaptatif et évolutif. L’IA basant ses analyses sur une partie du passé, réduite à une représentation numérique parcellaire du réel et embarquée dans la machine pourrait-elle s’adapter à ce vivant ? Peut-on imaginer des technologies auto-adaptatives ? Difficile à imaginer. Exemple parmi d’autres, le véhicule autonome promis par beaucoup comme imminent est renvoyé à un futur plus lointain. Rien ne remplace le cerveau humain pour s’adapter au contexte d’un centre-ville. Et même si les algorithmes devenaient intelligents cette approche ne répond pas à une préoccupation éthique fondamentale. Jacques Arnould pose la question : « Qu’apporterait l’« augmentation » d’un humain basée sur un objet à la Noosphère, en d’autres mots à la sphère et peut-être encore plus à la communauté de la pensée humaine ? ».

Prendre en compte l’éthique dans tout projet liant IoT et vivant

Ces questions sont complexes et ô combien actuelles, et il semble important et urgent de les prendre en compte. Comment ? Outre la réflexion et le débat, s’obliger à répondre à quelques questions avant de lancer tout projet IoT & vivant, notamment :

  • En évaluant et en explicitant au grand jour les motivations sous-jacentes de chaque projet
  • En appréhendant ce qu’il transforme comme activité humaine ou animale, notamment sur le plan de l’automatisation et en évaluant les impacts
  • En quantifiant et qualifiant les risques découlant d’une délégation des décisions à la machine (perte de libre arbitre…)
  • En décrivant le risque de dérive arbitraire sur le plan politique dans une démocratie

Ces préoccupations trouvent naturellement un écho au niveau juridique. Le parlement européen a adopté ce 4 mai 2022 un rapport sur l’Intelligence Artificielle. Ces aspects feront l’objet de travaux à suivre.

Patrick Brébion et Alexandre Diehl (co-animateurs du Comité de Travail 1 du GR-IoT)

" Pour estimer l'autonomie d'un objet connecté, il faut étudier au cas par cas ses usages "

Enseignant-chercheur à l'Université de Poitiers, Frédéric Launay (*) a étudié la consommation énergétique des terminaux IoT en 4G et 5G. Pour le Comité de Travail 4 du think-tank GR-IoT (autonomie, éco-responsabilité, multiconnectivité des IoT), il a accepté de répondre à nos questions.

Q : L'autonomie des objets connectés est un sujet essentiel pour les utilisateurs, notamment en cellulaire, moyen de communication plus consommateur en énergie. Comment s'assurer que la batterie tienne le plus longtemps possible ?

Frédéric Launay. Certains acteurs affirment que la durée de vie de leurs devices est de dix ans.

En réalité, il est impossible de garantir l'autonomie, car elle est conditionnée à plusieurs paramètres, en fonction de l'usage et de la mise en œuvre de l'objet :

  • La latence : on doit se demander quelle est l'urgence du traitement de la donnée. Par exemple, si un chariot élévateur détecte un homme dans sa trajectoire, il ne peut pas se permettre d'attendre deux secondes avant de freiner.
  • L'importance de l'information : est-ce grave si l'on perd un paquet de données ? Si c'est le cas, il faut le fiabiliser en le retransmettant ou en ayant un acquittement. Par exemple, les poubelles connectées émettent toutes les heures leur niveau de remplissage. Si un paquet est perdu à une heure, ce n'est pas grave. Par contre, dans le cas d'un incendie, il faut que l'alarme sonne au plus vite, un acquittement de l'envoi des données est dans ce cas nécessaire.
  • La portée : si l'émetteur est à proximité, cela va moins consommer que s'il est à 20 kilomètres. En doublant la distance, la consommation est multipliée au moins par quatre. Une solution pour y remédier : la création de réseaux mesh.
  • La taille du paquet de données : plus il est conséquent, plus la durée de transmission sera plus longue donc plus consommatrice d'énergie. Il faut donc se demander s'il faut transmettre tout le paquet ou seulement une variation. Pour une température, est-il nécessaire de transmettre à chaque fois la température ou seulement un écart de température quand il se produit ? L'utilisation de l'edge computing se révèle ainsi pertinente.

Pour estimer l'autonomie de son objet, il est donc indispensable d'étudier au cas par cas les usages que l'on souhaite.

Q : Existe-t-il des mécanismes intervenant sur l'autonomie des objets connectés ?

Si l'on doit interroger de temps en temps un appareil, cela suppose qu'il reste allumé pour recevoir un message de demande d'information. Pour économiser de l'énergie, le plus simple est d'utiliser un objet qui n'a qu'à transmettre une information à des horaires fixes. Dans ce cas, il suffit de le paramétrer pour qu'il envoie ses données à telle intervalle de temps. S'il doit transmettre toutes les heures, cela ne sert à rien qu'il soit allumé entre temps. Ce mécanisme maintenant l'appareil dans un état non connecté jusqu'à son moment d'éveil est appelé PSM, le power saving mode.

Un autre mécanisme, le Wake-up Radio (WuR), consiste à ajouter au terminal un récepteur radio consommant peu de puissance et capable de récupérer un signal d'interaction, quand on veut contacter le terminal. Ainsi, au lieu d'avoir une antenne activée en permanence, seul un module peu consommateur fonctionne pour intercepter l'appel et réveiller l'objet.

Q : Vous avez étudié le cellulaire, les fréquences jouent-elles un rôle sur l'autonomie ?

Les fréquences les plus basses ont de meilleures portées et de pénétration. Ainsi, il est préférable de les choisir.

Les transmissions sur un canal radio libre, comme sur un réseau LoRaWAN, peuvent subir des perturbations car différents objets s'y connectent, puisque les fréquences libres appartiennent à tout le monde. Pour éviter ces perturbations et la perte de messages, les opérateurs cellulaires offrent des fréquences dédiées qu'ils achètent à prix d'or, auxquels ils ajoutent de la qualité de service. Ce sont donc eux qui ont la main sur les paramètres radio, notamment sur la fréquence de relevé de l'information. Les clients ne contrôlent pas le PSM/eDRX sur un réseau opérateur sans accord commercial (le problème peut se poser en roaming). Si l'objet connecté transmet ses données toutes les minutes, au lieu de toutes les dix minutes, il y aura un facteur dix en termes d'autonomie. En dehors de cette partie contractuelle, l'avantage du cellulaire, en particulier des réseaux NB-IoT, est la possibilité d'effectuer du roaming. Le déploiement de ces réseaux NB-IoT est en plein essor, les opérateurs espèrent atteindre dans le monde 20 milliards d'objets connectés sur les réseaux mobiles 4G/5G en 2025.

Propos recueillis et retranscrits par Célia Garcia-Montero

(*) Frédéric Launay est maître de conférences au laboratoire LIAS (Ecole Ingénieur ENSIP) et enseignant au département R&T de l’IUT de Poitiers. Il enseigne la téléphonie IP, les réseaux de mobiles 4G et 5G, le réseau IMS et la VoLTE.